• « Voici plus de mille ans que sa douce folie murmure sa romance à la brise du soir. »

     

    Elle n'était qu'une enfant alors qu'elle s'enfonçait dans l'abîme. Les sanglots du courant ne l'emportaient pas, son corps flottait, immergé aux deux tiers. Son portrait coupé par la surface de la rivière. Sa chevelure ondulait dans l'espace aquatique, effleurant les feuilles des nymphéas, alors que son visage restait face au ciel, sauf et glacial. Ses cils vacillaient, écorchés par le vent.
    La jeune fille resta fanée quelques heures. Quelque fois, des perles de verre glissaient singulièrement sur son profil. Puis, les nuages éclipsés, la bonté solaire venait réchauffer ses joues ternes. Son visage rond accueillait alors des nuances de lumière, atténuées par les branches qui frémissaient autour de la rivière. Ce halo dispersé en rayons sur ses paupières lui redonnait un brin de vie.
    Nymphe endormie, coule dans ton berceau luisant. Il portera le fardeau de ta beauté et de ta folie. Enfant façonnée par l'éclat du ciel, reprise par les obscurs flots, afin de renaître chaque nuit.




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  • Délire interprétatif construit sur une perception faussée du réel.

      

    Ils disent vouloir plus de viande. Toujours plus de viande.
    Ils ont débuté leurs requêtes et mon premier réflexe a été de les satisfaire. Toujours plus. Ils n'en ont jamais assez. Je vois leurs sourires carnassiers dévorer mes maux, s'en délecter, et ils n'atteignent jamais une quelconque satiété. Leurs gorges sont brûlantes et visqueuses. Ils m'avalent.


    Je me suis habituée à leur présence. Chaque pas requiert leur aide hypocrite. A bout de souffle, à bout de souhaits. Désastre périodique. Je dévale ces escaliers qui creusent mon crâne, un peu plus chaque fois. Un jour, je verrai mon cerveau sauter hors de ma tête, rebondir à chaque marche. Je rirai. Riront-ils avec moi?

    Paranoïa.

    Ils m'attachent du regard. Leurs cordes serrent si fort que mes tissus sont teints de mauve. Gorgés d'eau, l'évacuation sous les paupières, les sensations aquatiques sur les cils. J'accède toujours à leurs requêtes, sous les flots, sous les liens qui se fondent avec mes veines, pour ne former qu'une entité trompeuse. On ne voit plus que des filaments monstrueux. J'ai caché mes bras pour qu'ils ne puissent accélérer le processus.

    Je suis tel un jouet entre les mains d'enfants capricieux. Mon mécanisme défaillant les métamorphose en orage. Ils invoquent la fulguration dans mes nerfs. Démence sur fond fleuri, au milieu de rien, assise sur ma propre chaise électrique, attendant l'inespéré.


    Je suis terrorisée.

    Ils ne connaissent pas la peur, l'angoisse, qui prend nos corps. Ne m'étrangle donc pas de cette manière, ne me broie pas, ne me noue pas, je ne t'en aimerai que plus. Nous sommes tous perdants.
    Sommes-nous réellement?

    Alors ils vendent leurs rêves dans un étalage de fruits empoisonnés, en chantant. A chaque croc, le sucre se mêle au parfum sinistre de la délicatesse. Mon visage devient translucide, il s'efface. Floue, leur venin prend effet.

    La sphère chaotique prend sa source en mon ventre. Un triomphe sans lutte. Elle a déjà gagné ma structure osseuse, gagné la partie. Et je ne peux que l'adorer, je n'ai plus qu'un seul choix à ma disposition, je dois respirer sa toxine ou suffoquer, la suivre ou m'affaisser. Ils dansent avec mon cœur mais cette valse est bien trop rapide. Ils m'avaleront encore une fois lorsque la note finale sonnera. Peut-être n'y survivrai-je pas. Peut-être tomberai-je dans leur toile, cette fois-ci. Avalée comme nourriture par la veuve. Ils veulent toujours plus de viande.





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  • Arcenstone.

    Disparaître ailleurs.

    Là où le soleil n'éclaircit pas toute once d'ombre. Là où les yeux ne peuvent s'arrêter sur une maison, un ciel, une route. Là où les mains s'étreignent de haine. Là où la brûlante idée dans laquelle on s'immerge ne refroidit jamais. Là où les ongles arrachent les rêves. Là où l'air pur devient guide des âmes. Là où une chevelure ne s'éteint plus. Là où les souvenirs ne tisseront plus ces habits que nous revêtons. Là où les foules s'oublient. Là où une simple vision devient émotion. Là où nos regards allument des lumières que nous ne soupçonnions pas. Là où la neige perdure sur nos doigts ardents. Là où des pétales ne perdent de leur éclat même après leur chute. Là où les mots seraient des gemmes. Et où nous serions joailliers. Là où chaque sentiment serait bu tel un élixir. Là où les horloges rythment nos sens et nos péchés. Jamais nos vies. Là où nos visages se fondent avec nos masques. Là où chaque pas ne peut craindre de s'effacer.

    Lorsque tout est attente. Lorsque tout est abysse. Là où l'encre coule.




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