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    « Un sourire, et ce visage serait bien plus beau.
    - Si tu insistes, je finirai bien par montrer les crocs... »

     

    A la fois celle qui observe minutieusement chaque contour, chaque détail, chaque regard, et celle qui déambule comme un fantôme, comme si elle n'appartenait pas à ce monde. Je suis elle, celle qui veut toujours être là sans jamais ramener toutes les parties d'elle-même, laissant tour à tour son chagrin, sa bonne humeur ou son courage. Bloquée, comblée dans ma bulle, violemment ramenée au monde sans en faire partie, n'ayant jamais appris à me sentir concernée par ce qui m'entoure. Détachée.


    Je suis celle qui croit, sans jamais montrer. Celle qui aime, sans jamais croire. Celle qui édifie, sans jamais aimer.

    Les gens ont l'air ennuyés par la vie. Se maintenir en vie c'est recevoir ce que celle-ci nous propose. C'est savoir attraper au vol les pages, pour ne jamais regretter, bien que les remords, souvent, ne puissent être mis de côté. Se maintenir en activité, trouver le repos dans le travail, la force dans la mélancolie, la lumière et l'obscurité dans l'art.

    Je n'en fais qu'à ma tête. Non je ne sourirai ni pour le plaisir de cet inconnu ni pour l'ami. Je ne te demanderai pas comment tu vas si je m'en fiche. Je connais l'hypocrisie et le mensonge, la bonne tenue en société, bien que je ne la pratique pas toujours.
    J'ai encore mon droit, ma liberté, je ne m'habillerai pas moins court, je n'arrêterai pas de me teindre les cheveux, d'avoir cette allure de sorcière des temps modernes, d'être à côté de la plaque, de vivre pour moi, de frapper où cela fait mal car je suis rancunière.
    Je suis touchée dans mon orgueil si jamais je n'atteins pas l'(in)espéré. J'ai l'espoir sans la conviction. J'ai la foi marquée dans le doute. J'aime qu'on me prouve que j'ai tort, sans aimer me tromper. Je mets des siècles à accorder ma confiance mais une fois lancée, elle se distribue par quantités énormes. C'est ainsi que j'ai été trompée.

    Je ne porte pas de masque. Je porte seulement plusieurs épaisseurs, autant de voiles opaques que des flèches qui pointent l'évidence. On me parle souvent de mon caractère froid, agressif, méchant... Ce ne sont que les premiers voiles. Une fois soulevés, une fois mise à l'aise, on me voit différemment.
    Je n'extériorise que peu de choses par les mots : d'où le chant et la danse. Ceci est mon langage, ne l'approchez pas si vous ne souhaitez pas le comprendre.

    Les contraires, les opposés me sont indispensables. L'horreur et la beauté absolue, comme chaque temps méritant son silence. Et j'encrerai en moi cette conception.

     

    J'interprète bien trop les faits et gestes de mon entourage. J'ai eu bien trop souvent raison.
    Je supporte l'ivresse mais jamais l'excès. Je suis trop raisonnable. Je sais ce qui est bon ou non pour moi, mais j'ai encore tendance à écouter mon instinct, mes pulsions, qui me font rarement défaut. Dans le cas contraire... Je me relève vite. Faire la part des choses, se concentrer sur l'essentiel, même en gardant le pire en tête, surtout en gardant le pire en tête.



     

     

     


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  • Il y avait cette lumière qui planait ce jour-là, qui filtrait à peine entre les rideaux de fils. A peine pesante, juste assez pour venir éclore dans la pièce. Une lumière à l'image d'une plume, filandreuse et planante. Cela ne le réveillait pas. Il lui fallait un peu plus pour sortir du cocon faussement rassurant du sommeil. Il s'y laissait tomber sans prendre de précautions, et finissait bien souvent par ouvrir les paupières des heures après le lever du soleil, un écran rempli de différents arrêts sur image comme seul souvenir. Chaque fois, le puzzle semblait bien simple à première vue. Mais plus il y songeait, et plus les pièces se mélangeaient, leurs contours s'effaçant afin de ne lui laisser aucune chance de recomposer le paysage.

    Ces images restaient gravées comme des débris de rêves. Il n'y pensait pas tellement, en tout cas rarement de manière volontaire. Mais son esprit s'amusait bien souvent à lui jouer des tours, et au fil des jours et des semaines, il ne savait plus très bien ce qui était réel et ce qui ne l'était pas. Cela lui avait valu plusieurs incompréhensions, de la part de son entourage.
    Il lui arrivait souvent d'évoquer une scène, ou une conversation à quelqu'un, et de se rendre compte un peu trop tard que celles-ci ne s'étaient jamais manifestées, à part dans l'ombre de ses draps, au creux de son esprit. Confondre ses rêves et la réalité était devenu un élément de son quotidien. Bien que les scènes de son imagination partent lentement en fumée jusqu'à ne devenir qu'un écho, elles lui avaient semblées si réelles sur le moment qu'inconsciemment, il s'en souvenait assez bien pour les replacer dans le monde réel, et avec une grande conviction.

    Il s'était retourné, et venait de donner à ses yeux le spectacle d'un lit vide. Au centre de la pièce, allongé et encore dans la brume du sommeil, il avait eu, le temps d'une seconde à peine, l'espoir de trouver un visage. Ce n'était pas anodin, il s'était blotti dans sa solitude tout en continuant d'apprécier la compagnie. Ce type de signe s'était déjà fait sentir plusieurs fois ces dernières semaines.
    Espérant un visage, il ne trouvait que la fine lueur de l'aube. Quelques bords et replis du drap s'étaient regroupés dans des lignes courbes, où s'adossaient des ombres. Avec le sommeil encore proche, ces silhouettes de tissus lui donnaient l'impression de dessiner des formes, des spirales et des nuées de feuilles d'acanthe. La beauté étonnante de la chose n'égalait pourtant pas ce qu'il aurait aimé voir : le profil endormi d'une jeune femme. Rien que la contemplation de ce type de vénusté lui manquait. Pouvoir caresser du bout du regard l'arc d'une joue rosie, le creux d'une tempe. Goûter mentalement la chair de lèvres entrouvertes. Admirer l'arrondi de longs cils de charbon, fermant soigneusement les paupières, assurant le sommeil de la demoiselle. A peine sentir le souffle chaud et régulier se mêler à un fil de parfum.

    Deux raisons pour lui de ne pas apprécier le temps venu du réveil. Ni le soleil, ni le bruit ne le dérangeaient. Mais il ressentait, chaque fois, une certaine frustration de ne pouvoir garder une trace complète de ses songes, et de ne pouvoir se réconforter dans l'éclat d'un visage.

     

     


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  • Celeste.

     

     

    Dans la brûlure de l'horizon au réveil, dans le nom hurlé entre des lèvres ivres, sur les graffitis sales qui hantent la ville, flottant dans le verre de vin de la plus sage des demoiselles, dans les pensées du déséquilibré, dans le velours noir au creux du sein de cette fatale amante...
    Joue alors la plus obscure musique qui s'écroule en volutes de passion. Au sol se mêlent les fluides poussiéreux de jouissance et de fragrances allant de la plus pure à la plus souillée. On espère encore pouvoir écouter les chuchotements hésitants, produit d'une étreinte défendue, s'égarer à l'issue d'un baiser teinté de vermeille.
    A l'homme qui trace son amour à la nuit tombée, au couteau irréel qu'on se plante en hommage à la démence, au regard faussement innocent lancé avec audace, à la petite fille qui hoche la tête en cachant la tache sucrée de myrtille sur sa robe claire, au venin ardent dont nous nous emplissons les veines pour incendier nos chagrins, à nous tous.
    Un seul nom et nous voilà détruits, un seul et nous voilà tous levés. L'interdit.

     

     


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